Pour se reposer de nos peurs
« Les deux plus grands événements de l’histoire de l’humanité, l’Incarnation et la Résurrection, ne se sont-ils pas produits dans la plus grande discrétion ? »
Cet été, j’ai quitté ma terre d’adoption, la Terre Sainte, celle dont les psaumes disent néanmoins que “là, tout homme est né”, pour aller retrouver pour quelque temps ma nature québécoise, une terre un peu moins sainte, certes, mais tout de même très jolie.
J’ai pu me rendre compte assez rapidement que les Lieux Saints ne me quittaient pas malgré la distance. Ils faisaient partie de mes prières et de mes conversations, inspirant les questions de la plupart des gens que je rencontrais. Une demande revenait constamment sur les lèvres des personnes avec qui je parlais : “La Terre Sainte, est-ce que c’est sécuritaire ? Il n’y a pas trop de tensions là-bas ?” C’est que les médias, au Québec comme en France, ont la fâcheuse habitude de laisser l’impression aux gens que Jérusalem se trouve toujours à feu et à sang. C’est loin d’être le cas. Pour être honnête, j’avais plus peur de me promener dans les rues de Washington quand j’y habitais que de vivre à Jérusalem au quotidien.
Loin de moi l’idée de dire qu’il ne se passe rien en Terre Sainte, que les tensions en sont toujours absentes. Il reste que, comme le moindre petit incident qui s’y produit finit nécessairement par faire le tour du monde, cela donne le sentiment à l’étranger que l’on risque sa vie à toutes les fois où l’on ose s’aventurer dans les rues. L’année où j’étais à Washington, il y eut plus de 160 assassinats. Imaginez qu’à chaque fois, on en ait parlé dans le monde entier. Partout, on aurait l’impression que c’est une ville totalement invivable.
Cet été, au Québec comme en France, j’ai bien essayé de convaincre les gens que je rencontrais qu’il y avait peu à craindre en venant visiter les Lieux Saints ; je ne suis pas sûr cependant d’y être parvenu. Il faut bien reconnaître que les médias ont une forte influence sur nous. Cela se constate également à d’autres niveaux.
On le voit dans un autre préjugé assez répandu : celui de croire que tout va mal dans le monde. Au téléjournal, les mauvaises nouvelles se succèdent. Vous me trouverez fou, mais j’ose affirmer que si on n’entend pas plus de bonnes nouvelles, c’est qu’il y en a trop.
Les médias s’intéressent au sensationnel, à ce qui sort de l’ordinaire. Personne n’oserait mettre à la une des manchettes : “Aujourd’hui, un enfant a serré son père dans ses bras” ; “Un jeune homme a aidé une vieille dame à porter ses paquets” ; “Une femme a pris le temps d’écouter son amie qui avait besoin d’être consolée” ; “Durant la journée d’hier, 1 874 391 532 fleurs sont écloses…” Cela apparaîtrait ridicule, parce que tout simplement, cela se produit trop souvent.
Le bien ne fait pas les manchettes non parce qu’il n’y en a pas ; Dieu n’est pas moins actif aujourd’hui qu’il l’était auparavant. Mais le bien ne fait pas de bruit, ne produit pas d’éclat. Il n’attire pas l’attention. Il agit dans la simplicité. Il fait simplement se sentir… bien !
C’est souvent comme cela que Dieu passe dans nos vies. Les deux plus grands événements de l’histoire de l’humanité, l’Incarnation et la Résurrection, ne se sont-ils pas produits dans la plus grande discrétion ?
L’accumulation de mauvaises nouvelles donne en plus du succès à ceux qui prétendent que la fin des temps est pour bientôt. J’espère qu’ils ont raison, même si cela ne concorde pas avec ce que nous annonce l’Écriture (cf. Mt 24, 36 ; 1 Th 5, 2-3).
Encore une fois, je deviens fou, sans doute, mais oui, je souhaite la fin des temps. Il faut dire que beaucoup, même chrétiens, imaginent la fin du monde comme nous la présente Hollywood. Tout ce qui est beau est détruit, les gens paniquent ; on en a froid dans le dos.
Pourtant, ce qui nous est promis, c’est exactement le contraire. Ce qui sera détruit, ce n’est pas le beau et le bon, mais bien le mal, la souffrance et la mort. Ce sera la venue du Règne de Dieu de façon parfaite, la plus belle façon d’exaucer ce que nous demandons à chaque Notre Père : “Que ton Règne vienne”.
Ce jour-là aussi sera un des plus beaux jours de l’humanité.
Reprenons donc les premières paroles du pontificat de Jean-Paul II : “N’ayez pas peur”. Et si vous jetez un coup d’œil à l’Évangile, vous constaterez que c’est ni plus ni moins l’invitation la plus fréquente que nous y fait le Seigneur.