La liberté religieuse, vraie nouveauté de l’accord entre le Vatican et la Palestine
Après avoir signé au Vatican le 26 juin dernier un Accord global avec l'Etat de Palestine, de nombreux observateurs internationaux n’ont retenu que le titre de l’accord et la notion d’«État de Palestine». L'innovation révolutionnaire de l'Accord, cependant, réside dans l'adhésion franche de l’Autorité palestinienne – une première dans le monde arabe - aux principes de liberté religieuse. Terrasanta.net a recueilli les commentaires d'un expert du Vatican.
Après avoir signé au Vatican le 26 juin dernier un Accord global avec l’Etat de Palestine, de nombreux observateurs internationaux n’ont retenu que le titre de l’accord et la notion d’«État de Palestine». L’innovation révolutionnaire de l’Accord, cependant, réside dans l’adhésion franche de l’Autorité palestinienne – une première dans le monde arabe – aux principes de liberté religieuse. Terrasanta.net a recueilli les commentaires d’un expert du Vatican.
Cela est déjà arrivé en février 2000, sept ans après l’Accord fondamental avec Israël en cette année 1993 portée par l’espoir des Accords d’Oslo, un accord-cadre était signé entre le Saint-Siège et l’Organisation de libération de la Palestine de Yasser Arafat (il était déjà à l’époque président de l’Autorité nationale palestinienne). A cette époque, l’attention des médias et des commentateurs internationaux s’était également polarisée sur le fait que le Vatican, au travers de cet acte, finissait par donner une importance internationale « excessive » à l’une des parties impliquées dans le processus ardu de négociations censé mener à une solution «deux peuples – deux États ». Et l’on revenait encore sur la question de Jérusalem, la ville sainte pour qui le Saint-Siège a toujours proposé une solution particulière garantissant la réalité de ce lieu « unique » pour les trois religions monothéistes d’ascendance abrahamique (le point de référence pour Rome reste la résolution 181 des Nations Unies de 1947 ; le Vatican a toujours critiqué comme « moralement et juridiquement inacceptable » les « décisions unilatérales qui modifient le caractère et le statut spécifique » de Jérusalem).
Il se trouve qu’à l’époque, peu nombreux furent ceuxpour approfondir les détails de l’accord signé. Un accord qui pourtant amenait l’OLP à accepter- en échange d’une « visibilité » internationale – de signer un document très difficile. En particulier en ce qui concerne la liberté de religion; l’égalité devant la loi pour les trois religions monothéistes, leurs institutions et leurs fidèles; la liberté d’accès et de culte dans les Lieux Saints et la référence au régime du statu quo.
L’histoire s’est reproduite le 26 juin avec la signature de l’Accord mondial avec l’État de la Palestine (ainsi défini après le vote à l’ONU en novembre 2012 érigeant la Palestine au statut d’« Etat observateur non-membre »). L’attention – avant tout d’Israël mais aussi de nombreux autres observateurs – s’est portée sur cet élément, certainement pertinent d’un point de vue politique, mais «formel» si l’on considère le contenu de l’accord. Et c’est à ce contenu justement qu’il s’agit de prêter attention – en particulier pour tous ceux qui hâtivement le critiquent – car dans l’intervalle des deux accords, le paysage géopolitique au Proche et au Moyen-Orient a considérablement changé. Certains pays « historiques » de la région peinent encore à être reconnus comme entité étatique. Le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens est au point mort. Les conditions de vie des chrétiens et d’autres minorités religieuses varient entre l’insécurité et le martyre. Le monde musulman est secoué par de violents affrontements entre des visions différentes et incompatibles.
Ainsi, quand au chapitre 2 du nouvel Accord sont abordés les thèmes de la « liberté de religion et de conscience », de toute évidence on va au-delà des effets civils du mariage canonique ou du respect des jours fériés pour les employés publics ; on touche aux éléments sensibles que sont l’assistance religieuse aux membres des forces armées et des prisonniers ou encore le droit des parents d’assurer l’éducation « religieuse et morale » de leurs enfants. Plus encore, il est fait référence à une « véritable objection de conscience» (et l’adjectif n’est pas un ornement stylistique) ; Vincenzo Buonomo du journal L’Osservatore Romano explique : « Il s’agit d’un mode de penser la liberté religieuse qui transcende toute possibilité de restriction et qui renvoie à la liberté de croyance, de culte et de célébration ». Les expériences de l’histoire récente sont encore vives et il n’est nul besoin de passer sous silence des détails qui par la suite peuvent ensuite devenir cruciaux. En bref, « nous nous tournons vers l’avenir sans oublier l’histoire» qui cela semble juste et sage. A cela, – nous pourrions ajouter – que l’Accord conduit la direction palestinienne à accepter des conditions qu’aucun pays à majorité musulmane n’a encore signées à ce jour.
Partant ensuite de la considération que les Lieux saints ne sont pas des «pierres», mais des signes de l’identité des individus et des communautés, les derniers chapitres de l’accord détaillent les problèmes de la personnalité juridique et du droit à l’auto-régulation de l’Eglise au sein de tribunaux ecclésiastiques pouvant exercer une juridiction civile. Quant à la typologie des lieux Saints, se pose le concept de «sainteté» comme source de sécurité pour les autorités civiles; cela soulève évidemment la question sensible des pèlerinages et des installations pour les recevoir. L’Accord reconnaît et garantit à l’Eglise le droit de travailler dans l’éducation, l’aide sociale et la communication avec la possibilité de recevoir des fonds. Sur la propriété de l’Église et du système fiscal des lignes directrices ont été définies et feront l’objet de nouvelles négociations pour l’harmonisation avec la législation locale (des négociations similaires sont toujours en cours avec l’Etat d’Israël).
* Expert du Vatican et président du Conseil des Eglises chrétiennes de Milan