Alors que la France préside le Conseil de Sécurité des Nations Unies, une réunion s’est tenue à son initiative sur la question des Chrétiens d’Orient. Laurent Fabius, ministre français des Affaires Etrangères a proposé une Charte pour lutter contre ce qu’il considère être un « génocide ».
(Jérusalem/n.k.) – « Je vais parler clair : au Moyen-Orient, nous faisons face à une entreprise barbare et systématique d’éradication ethnique et religieuse. »
Les mots de Laurent Fabius ont résonné avec solennité dans l’enceinte des Nations Unies.
Voilà peut-être le retour de la France « protectrice des chrétiens d’Orient ». Il était temps. Sur initiative de son ministre des Affaires Etrangères, la France a proposé vendredi 27 mars un texte sous forme de « Charte », pour venir en aide aux chrétiens d’Orient.
Le rôle de la France dans ce domaine n’est pas nouveau. Depuis le XVIe siècle en effet, la fille aînée de l’Eglise s’est vue confier le titre de « nation protectrice des chrétiens d’Orient ». Un héritage acquis en 1536, quand François Ier décida de faire alliance avec le Sultan ottoman Soliman le Magnifique, contre Charles Quint. Alliance contre laquelle la France demanda la protection sur ces communautés chrétiennes vivant sous le régime de la Sublime Porte.
L’histoire (et désormais le droit international) lie donc la France aux chrétiens du Moyen-Orient.
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, que la France préside actuellement, a été le lieu choisi par Laurent Fabius pour un passage à l’acte.
Mgr. Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, s’en félicite et tient à noter : « C’est la première fois depuis que les Nations Unies existent, que le Conseil de Sécurité se penche ainsi sur nos frères en Orient. »
Pour Laurent Fabius, l’action de la France à l’ONU est un devoir. Dans un entretien accordé au journal La Croix, celui-ci rappelle : « La protection des chrétiens d’Orient, je l’ai dit, est constitutive de l’histoire de France, au-delà des clivages politiques. J’entends que nous soyons fidèles à cette tradition. En prenant l’initiative de réunir le Conseil de sécurité et d’appeler la communauté internationale à agir, la France défend une cause juste. »
Au cours de son discours, M. Fabius n’a pas hésité à qualifier les actes du groupe terroriste Daesh de « génocide ». Pour venir en aide aux minorités persécutées et plus particulièrement aux chrétiens, la France propose une Charte en quatre volets
« Le premier volet est humanitaire afin de ne pas prendre seulement en compte les déplacés et les réfugiés, mais de permettre également leur retour. Pour cela – et c’est le deuxième volet – la coalition, les forces irakiennes et d’autres doivent pouvoir assurer aux minorités pourchassées leur sécurité » détaille Laurent Fabius.
Le troisième volet sera politique : assurer à chaque communauté une place satisfaisante dans le futur de la Syrie et de l’Irak. Enfin, la France propose une action de la communauté internationale pour lutter contre l’impunité, en portant notamment des procès devant la Cour Pénale Internationale.
Les nouvelles provenant d’Irak et de Syrie, où règne le soi-disant « Etat » islamique, ne sont pas bonnes.
Le mois dernier, la Syrie a connu près de 220 enlèvements d’Assyriens, ce peuple converti très tôt au christianisme. Depuis, on dénombre près de 1000 familles qui ont du quitter leur domicile, soit environ 5000 individus.
Où trouver refuge ? Pour l’instant dans les territoires tenus par les forces Kurdes et gouvernementales. L’exil est également une possibilité, à laquelle se refusent cependant de nombreuses familles. Le risque est en effet de ne jamais pouvoir revenir dans cette région qui a accueilli en premier le christianisme.
Mgr. Sako, patriarche chaldéen ne voit pas d’un bon œil la solution de l’exil. Il l’a rappelé lors de la réunion onusienne : « Je lance un appel solennel à fournir une protection internationale, tout en proclamant hautement le droit à la propriété en faveur des familles déplacées pour qu’elles puissent retourner dans leurs villages et leurs maisons, et reprendre une vie normale. »
Même son de cloche pour Mgr. Gollnisch : « Si je crois à l’avenir des chrétiens en Orient, c’est parce je pense qu’ils auront leur place dans des pays qui doivent évoluer vers plus de modernité, de démocratie, de pluralisme, de respect de la pleine citoyenneté pour tous. Et les chrétiens ont un rôle à jouer avec les autres minorités. »
Concrètement, comment aider les chrétiens d’Orient ? La France souhaite passer aux actes. Le ministre français des Affaires Etrangères parle clair : « L’opinion publique se demande comment tant de pays réunis ici, et qui s’appellent les « Nations unies », n’ont pas encore été capables de faire face au danger du terrorisme et de l’éradiquer. Ces citoyens ont raison. La réunion de notre conseil aura été utile si elle ne se limite pas à un cri d’alarme, mais si elle constitue aussi un appel précis à l’action »
Pour cela, Ban Ki-Moon, secrétaire général des Nations Unies a décidé de créer un « groupe de sages » qui travailleront sur la mise en œuvre de la Charte. Un sommet international aura probablement lieu à Paris en juillet prochain pour envisager davantage de solutions. Notamment celle, politique, de saisine de la Cour Pénale Internationale.
Gageons que cette avancée inédite puisse porter ses fruits et permettre aux chrétiens de rester sur la terre qui est la leur.