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Kasper: «Le Pape François en Turquie avec son charisme de l’amitié»

Carlo Giorgi
29 novembre 2014
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Le cardinal Walter Kasper, président émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, se réjouit du voyage que le pape François a entamé en Turquie: "Nous plaçons de grands espoirs dans la rencontre entre François et le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier. Pour l'œcuménisme, les relations interpersonnelles sont toujours importantes".


“Nous plaçons de grands espoirs dans la rencontre entre le pape François et le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier. Le pape François a le charisme de l’amitié; c’est la qualité essentielle pour l’œcuménisme, après tout, il s’agit de relations personnelles…. ». Le cardinal Walter Kasper, président émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, regarde avec confiance la visite du pape François en Turquie, qui a débuté hier : trois jours de rencontres institutionnelles, inter-religieuses et œcuméniques qui culmineront avec l’accolade fraternelle entre l’évêque de Rome et le patriarche de Constantinople, dimanche prochain, 30 Novembre, en la fête de saint André. Le cardinal Kasper a évoqué cette visite lors de la présentation, à Rome, du livre de Richard Burigana : Un seul cœur. Le pape François et l’unité de l’Eglise (Editions Terra de Santa, 2014), en présence de l’auteur et de Lucio Brunelli, directeur de TV2000.

« L’œcuménisme ne se construit pas seulement à travers les conférences et les documents, bien sûr ils sont essentiels – explique Kasper – mais ce sont les relations personnelles et la prière commune qui priment… Le Pape, par exemple, en Turquie participera à la Divine Liturgie de l’Eglise orthodoxe. Cela aide beaucoup. C’est un rêve pour l’ensemble de la chrétienté: on peut rester divisé durant mille ans, et puis se réconcilier et marcher vers l’unité. C’est un signe très important au vu de la situation en Europe et dans le monde d’aujourd’hui ».

Le voyage du pape François en Turquie se déroule quelques jours après le cinquantième anniversaire de l’Unitatis redintegratio, le décret sur l’œcuménisme du Concile Vatican II, promulgué par Paul VI le 21 novembre 1964. «  La pape François s’inscrit dans les traces de ses prédécesseurs – observe le  cardinal -: le premier fut le pape Paul VI qui rencontra Athénagoras à Jérusalem en 1964. Puis Jean-Paul II a été accueilli à Istanbul par le patriarche Dimitrios Ier; son successeur, Bartholomée, à son tour, a accueilli le pape Benoît en Turquie, et maintenant c’est  au tour du pape François. Bergoglio apporte cependant une nouvelle dynamique dans le dialogue œcuménique avec les Églises orthodoxes ».

Le cardinal Kasper identifie quelques points d’originalité que François peut offrir au chemin vers l’unité entre les Eglises: « Tout d’abord, ce pape est un promoteur de l’œcuménisme de la rencontre – exprime le Cardinal -. Pour lui, le dialogue vrai doit être préparé et accompagné par l’œcuménisme de l’amour. L’œcuménisme ne peut se faire sans une rencontre personnelle et des liens d’amitié. Il faut se rencontrer, manger et boire ensemble. Le pape François désire initier des dynamiques, puis, avec patience, en attendre les fruits ; qui ne viennent pas seulement de nous, mais sont aussi dons de l’Esprit. C’est pour cela que pour lui le mot  «cheminer», « marcher ensemble », est important et caractéristique. Dans le champ œcuménique, il faut de la patience, une patience qui ne soit pas passive mais active; une patience « passionnée », nourrie par la passion de l’amour. Et l’amour change les choses de l’intérieur ».

Le second point d’originalité, identifié par Kasper, est la profonde et sincère attention de de François pour les Eglises non-catholiques: « Personnellement, j’ai été surpris quand j’ai lu que, déjà en tant que cardinal, Bergoglio citait le théologien réformateur Oscar Cullmann, observateur au Conseil et ami de Paul VI. Un théologien qui propose l’idée de l’unité possible entre les Eglises encore divisées, l’unité dans la diversité. Pape François, qui parle souvent avec des images, a pris l’image du polyèdre: une forme tridimensionnelle composée de nombreuses faces et angles; la pierre précieuse est un polyèdre qui réfléchit la lumière d’une belle façon. L’image est très suggestive et peut justement illustrer le dialogue avec les orthodoxes, parce que pour eux l’unité de l’Eglise est une analogie à l’unité de Dieu en trois hypostases ou trois personnes, une unité dans la diversité ».

Malgré les espoirs liés à la rencontre entre François et Bartholomée, le chemin de l’unité avec l’Eglise orthodoxe est encore semé d’obstacles. « Le monde de l’Église orthodoxe – explique Kasper – est un monde composé de différentes églises, qui ont certes la même foi, plus ou moins la même liturgie, mais qui sont indépendantes les unes des autres. Bartholomée, le patriarche œcuménique de Constantinople, est très sympathique et ouvert. Mais il y a aussi d’autres églises avec lesquelles le dialogue est difficile. Il y a des distances culturelles ou politiques et de l’œcuménisme prend en compte tout cela. Mon grand espoir, aujourd’hui, c’est que toutes les églises orthodoxes ont décidé de se rencontrer dans un Synode pan-orthodoxe en 2016. L’espoir c’est que, grâce à ce Synode, les églises orthodoxes deviennent plus unies et puissent commencer à parler d’une une seule voix comme le fait l’Eglise catholique à travers le ministère pétrinien ». Une situation qui pourrait, de façon décisive, faciliter le dialogue œcuménique.

Au cours de ces dernières années, sur de nombreux continents et en particulier au Moyen-Orient, on voit le nombre des martyrs chrétiens augmenté. Se référant à eux, le pape François a parlé de l’«œcuménisme de sang » lors de la rencontre œcuménique de mai dernier, au Saint-Sépulcre à Jérusalem: « Ce concept a été mentionné par Jean-Paul II au début de son encyclique Ut unum sint – rappelle le cardinal -. Le Pape disait : maintenant sur la terre, nous sommes encore divisés; mais les martyrs chrétiens sont unis dans la vision béatifique de Dieu. Une fois, j’ai lu le témoignage d’un évêque latin et d’un évêque orthodoxe qui s’étaient rencontrés dans un camp de concentration. Au début, ils étaient ennemis mais, peu à peu, dans le camp et dans cette situation, ils sont devenus amis: ils ont prié ensemble et sont morts ensemble. Nous devons travailler ensemble parce que nous pouvons donner un témoignage d’unité; et peu importe si dans le monde il a été tué un catholique, un orthodoxe, un protestant…Nous sommes chrétiens, nous sommes frères et sœurs, et cela est peut-être la raison d’avancer vers l’œcuménisme, en mettant de côté les questions politiques ».

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