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Ces 400 villages en Israël qui choisissent leurs habitants

Chiara Cruciati
20 septembre 2014
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Le 17 septembre, la Cour suprême israélienne a rejeté un appel contre une loi votée en 2011. Cette loi, contestée par certaines organisations des droits de l'homme, permet aux citoyens de 434 petites municipalités du nord et du sud de l’état d’Israël de bloquer l’accès au logement (achat et location) à des palestiniens pourtant détenteurs d’un passeport israélien.


Elles sont au nombre de 434 et ces communautés israéliennes peuvent, dorénavant, légalement fermer leurs portes aux Palestiniens de citoyenneté israélienne qui ont l’intention d’acheter une maison ou louer un appartement sur leur sol. Dans le désert du Néguev et de la Galilée, la présence des palestiniens a été jugée « socialement incompatible » avec la «structure culturelle et sociale » de la ville.

Pour leur libérer la voie : une loi adoptée par la Knesset en 2011 que le centre  Adalah (centre pour la protection juridique de la minorité arabe en Israël) a immédiatement porté devant les tribunaux. Mais dans une décision de justice, le 17 septembre dernier, la Cour suprême israélienne a rejeté la plainte qui avait été déposée il y a plus de trois ans. « A ce stade, nous sommes dans l’incapacité de déterminer si la loi viole les droits constitutionnels», s’est limité à dire la Cour. La loi israélienne reconnait donc aux comités de citoyens de 434 communautés du Nord et du Sud (soit 43% de ce type de collectivité). Il existe trois différents types de collectivités en Israel. Tout d’abord les municipalités qui gèrent les villes urbaines, généralement composées d’une population de plus de 20.000 habitants ; les autres communes sont régies par des conseils locaux avec des pouvoirs semblables à ceux d’une municipalité. Le niveau inférieur est constitué de colonies qui sont pour la plupart agricoles, et peuvent élire un comité local de citoyens pour s’occuper des services municipaux. Il existe plus de 400 communautés dans lesquelles le pouvoir et l’autorité de prise de décision étatique est exercée par des comités de citoyens.

Ces comités s’appuient sur des critères tels que la race, l’origine ethnique, la religion pour invoquer l’incompatibilité des modes de vie et la mise en danger de la communauté. Le centre Adalah n’a pas tardé à régir : « l’arrêt de la Cour admet l’existence de 434 communautés fondées sur le principe de la ségrégation raciale. Cette loi est une des lois les plus racistes édictées ces dernières années, dont l’objectif principal est de marginaliser les citoyens arabes et d’empêcher leur accès au logement et à la terre dans de nombreuses communautés ». L’avocat Souhad Bishara, qui a porté le cas en appel, il y a trois ans, s’exprime aussi : « la décision de la Cour va à l’encontre d’un arrêt de 1999, le cas Ka’adan, qui a permis à une famille palestinienne de se déplacer dans la ville de Katzir malgré l’avis défavorable du comité de la ville. Aujourd’hui, avec ce jugement, nous acceptons le principe de la séparation de la résidence sur la base de l’identité ».

Tout le mécanisme repose sur la décision des «comités d’admission » présents au sein des collectivités locales et qui ont le pouvoir de réglementer et autoriser l’achat des maisons ou des terres. Au sein de chaque comité, l’Agence juive est représentée (organisme fer de lance du sionisme). Mais ce n’est pas tout, conformément à la loi, ces comités seront en mesure d’identifier et d’évaluer – en plus du critère de la « compatibilité sociale » – d’autres paramètres restant à leur discrétion. «  L’établissement de ce critère de ‘compatibilité’ dite sociale est vague et totalement arbitraire » – explique Mohsen Salah, directeur du centre Adalah – «  des jeunes couples ont été exclus, des professeurs d’université, et ce juste parce qu’ils sont Palestiniens. À ce jour, il y a très peu de Palestiniens qui vivent déjà dans ces communautés. Et ceux qui y résidaient s’étaient déjà déplacés après notre appel à la Cour. La pétition que nous avons présentée fait écho à une communauté spécifique qui a refusé l’accès à une famille arabe ».

Les dits comités locaux font la pluie et le beau temps en Israel. « Cette loi – dit Mohsen – régit des communautés spécifiques établies sur des terres confisquée aux réfugiés palestiniens. Elles représentent quelques familles, jusqu’à 200 individus par village. Des jeunes couples ou familles arabes ont prévu de s’y installer parce que ces endroits sont calmes, avec de l’espace disponible. Au contraire, les villes palestiniennes en Israël sont extrêmement bondées, en raison du refus de l’élargissement des limites municipales. Les conditions de vie ne sont en rien optimales ».

En Israël, les villes et les communautés arabes sont dépourvues d’investissement, tant au niveau infrastructurel qu’économique. Elles manquent de tout : lieux de loisirs, jardins, terrains de jeux, écoles, zones industrielles. Laissées à leur propre sort, elles détiennent de forts taux de chômage et les salariés sont obligés de se déplacer loin. Les Palestiniens quittent donc ces villes afin d’augmenter leurs chances de trouver un emploi ou de le rendre possible et viable leur mode de vie notamment pour les enfants. Les petites communautés israéliennes sont devenues au fil du temps un « rêve » pour de nombreuses familles palestiniennes.

Afin de poursuivre la bataille juridique, « nous ne savons pas encore vraiment par quel bout prendre le problème, nous devons étudier le jugement – note Mohsen -. Mais nous n’allons certainement pas céder parce que c’est une loi qui n’a pas seulement de l’effet sur ​​les familles qui veulent rejoindre ces communautés. C’est une loi qui crée une nouvelle situation constitutionnelle et qui porte atteinte à la notion d’égalité devant la loi. Si la ségrégation raciale est reconnue légitime, elle ouvre la porte à d’autres violations futures, et les conditions de vie ne feront qu’empirer pour les Palestiniens d’Israël ».

20 % de la population israélienne est palestinienne, mais n’a accès qu’à 7% des terres disponibles. En amont, il y a d’abord un système juridique construit depuis 1948 et qui vise la confiscation systématique des biens des Palestiniens en faveur de l’Etat d’Israël. En 1948, ce sont 800.000 personnes qui ont été contraintes à l’exil, devenant réfugiés dans les pays arabes. Leurs terres sont passées dans les mains de l’Etat juif qui ne les redistribue pas de façon équitable. « En tant que citoyens israéliens – a déclaré Mohsen – des Palestiniens d’origine qui résident au sein d’un même état devraient avoir les mêmes possibilités d’accès aux terres publiques. Si c’est impossible c’est parce qu’un certain nombre de lois les en empêchent. De surcroit, l’an dernier l’administration israélienne a alloué de vastes étendues de terres pour la création de 43 nouvelles zones industrielles. Pas un seule d’entre elle est située dans une ville palestinienne ».

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