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Invocation à plusieurs voix au Vatican pour une paix juste

Carlo Giorgi
10 juin 2014
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«Nous sommes frères, fils du même Père : ce n’est que si nous le reconnaissons que nous obtiendrons la paix ». C’est sur ces mots que le pèlerinage en Terre Sainte du pape François s’est achevé au Vatican, le dimanche 8 juin, jour de la Pentecôte. Les présidents palestinien et israélien Mahmoud Abbas et Shimon Peres ont accepté l'invitation du pape et l’ont rejoint pour prier pour la paix. Le patriarche de Constantinople, Bartholomée Ier, était également présent.


«Nous sommes frères, fils du même Père : ce n’est que si nous le reconnaissons que nous obtiendrons la paix ». C’est sur ces mots que le pèlerinage en Terre Sainte du pape François s’est achevé au Vatican, le dimanche 8 juin, jour de la Pentecôte. Des mots qui sonnent comme un héritage universel pour tous les croyants du monde. Deux semaines plus tôt, le 25 mai, le pape avait invité, « dans sa maison », le président palestinien Mahmoud Abbas et le président israélien Shimon Peres, à prier ensemble pour la paix. L’invitation a été acceptée par les deux présidents, et c’est le Custode de Terre Sainte, le frère Pizzaballa, qui fut chargé de l’organisation des détails de cette rencontre.

Donc, dimanche dernier, en fin de journée, le pape François est arrivé avec ses hôtes dans les jardins du Vatican, sur une verte pelouse triangulaire, bordée par deux hautes haies. Aucun symbole religieux et le ciel pour unique toit : un « sanctuaire » idéal pour accueillir les croyants des différentes religions, pour lever ensemble leurs regards vers Dieu. Tel fut le désir du pape : «Nous devons tous lever nos yeux vers le ciel – dit-il dans son discours, quelques minutes plus tard – et nous reconnaître fils du même Père ». Le climat entre les différents partis fut très encourageant : à Santa Marta, la «maison» du pape, Peres et Abbas, qui se sont rencontrés quelques minutes auparavant et se sont embrassés avec enthousiasme.

Sur la pelouse, une petite estrade a accueilli le pape, ainsi que les deux présidents, Peres et Abbas, respectivement à droite et à gauche du Saint-Père. Le long des deux haies, les différentes délégations se sont alignées : à la droite du pape, la délégation israélienne (composée de rabbins mais aussi d’un religieux druze) et la délégation palestinienne (composée d’imams et de docteurs musulmans). À la gauche du pape, la délégation chrétienne fut présidée par le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, « comme une preuve du cheminement que les chrétiens parcourent vers la pleine unité», a déclaré François.

La cérémonie fut simple mais intense. Dans l’ordre chronologique d’apparition des religions représentées, Juifs, Chrétiens et Musulmans ont pris chacun leur tour la parole, pour élever vers Dieu une prière d’action de grâce, une demande de pardon pour les péchés commis, et enfin, un appel à la paix. Le premier chrétien qui prit la parole fut le patriarche orthodoxe Bartholomée Ier, pour lire la magnifique prophétie d’Isaïe (65, 17-25), promesse de paix et de prospérité pour Jérusalem : «Voici, je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé … J’exulterai en Jérusalem, je trouverai ma joie dans mon peuple… ». La demande de pardon fut confiée au patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, et au cardinal Peter Tukson, président du Conseil pontifical Justice et Paix, qui lut une prière de Saint-Jean-Paul II. La prière pour la paix a été confiée à une femme, Margaret Kassam, arabe chrétienne de Haïfa, membre du mouvement des Focolari, l’un des principaux organisateurs du Symposium international judéo-chrétien qui eut lieu en 2009 à Jérusalem, et qui apporta beaucoup au dialogue interreligieux en Terre Sainte. Margaret a symboliquement lu la prière attribuée à saint François : «Là où il y a la haine, que je mette l’amour, là où il y a l’offense, que je mette le pardon … ».

Les délégations juives et musulmanes ont toutes deux achevé leurs discours par une prière chantée. Et c’est la première fois que résonnèrent au Vatican le chant d’un rabbin et l’invocation d’un imam. Cette rencontre pour la paix, au sein même du Vatican, est inédite. Mais c’est le pape lui-même qui en expliqua la nécessité. «L’histoire nous enseigne que nos forces sont insuffisantes – a déclaré le pape dans son discours -. Plus d’une fois nous nous sommes approchés de la paix, mais le malin, par divers moyens, fut en mesure de l’empêcher. C’est pourquoi nous sommes ici, parce que nous savons et nous croyons que nous avons besoin de l’aide de Dieu. Nous ne renonçons pas à nos responsabilités, mais nous invoquons Dieu comme un acte de responsabilité suprême, face à nos consciences et face à nos peuples. Nous avons entendu un appel, et nous devons répondre à cet appel en brisant le cycle de la haine et de la violence, et cela avec un seul mot : «frère». Mais pour prononcer ce mot, nous devons tous lever nos yeux vers le ciel, et nous reconnaître fils du même Père ». Dans son discours, François a insisté sur la fraternité qui unit les croyants, et sur l’appartenance à la famille humaine commune, composée de pères et de fils : « Messieurs les présidents, le monde est un héritage que nous avons reçu de nos pères, mais également un héritage que nous lèguerons à nos enfants, – dit-il – des enfants fatigués et usés par les conflits, et désireux de parvenir à la paix ; des enfants qui nous demandent de faire tomber les murs de l’hostilité et de prendre le chemin du dialogue et de la paix, pour que l’amour et l’amitié triomphent. Beaucoup, beaucoup trop de ces enfants sont des victimes innocentes de la guerre et de la violence, des fleurs arrachées en plein épanouissement. Il est de notre devoir de veiller à ce que leur sacrifice ne soit pas vain. Que leur mémoire insuffle en nous le courage de la paix, la force de persévérer à tout prix dans le dialogue, la patience de tisser jour après jour la trame plus robuste d’une coexistence respectueuse et pacifique, pour la gloire de Dieu et pour le bien de tous ».

«Car il faut du courage pour faire la paix – poursuivit François – bien plus que pour faire la guerre. Il faut du courage pour dire oui à la rencontre et non à la confrontation ; oui au dialogue et non à la violence ; oui aux négociations et non aux hostilités ; oui au respect des pactes et non au provocations ; oui à la sincérité et non à la duplicité. Pour tout cela, il faut du courage, beaucoup de courage ».

Le pape François a ensuite récité une prière pour la paix, retranscrite ici :

Seigneur, Dieu de Paix, écoute notre prière !

 Nous avons essayé tant de fois et pendant tant d’années de résoudre nos conflits, par nos forces et aussi par nos armes ; tant de moments d’hostilité et d’obscurité ; tant de sang versé ; de vies brisées ; tant d’espoir enterré… Mais nos efforts sont restés vains. Maintenant, Seigneur, aide-nous ! Accorde-nous la paix, enseigne-nous la paix, mène-nous vers la paix. Ouvre nos yeux et nos cœurs et donne-nous le courage de dire : «Plus jamais la guerre » « Par la guerre, tout est détruit ». Fortifie en nous le courage de prendre des mesures concrètes pour consolider la paix. Seigneur, Dieu d’Abraham et des prophètes, Dieu Amour qui nous a créés et appelés à vivre comme des frères et sœurs, donne-nous la force d’être chaque jour des artisans de paix ; donne-nous la possibilité de regarder avec bonté chaque frère que nous rencontrons sur notre chemin. Rends-nous disponibles à écouter le cri de nos citoyens qui nous demandent de convertir nos armes en instruments de paix, nos peurs en confiance, nos tensions en pardon. Garde allumée en nous la flamme de l’espoir, pour accomplir avec une patience persévérante le choix du dialogue et de la réconciliation, afin que nous puissions enfin parvenir à la paix. Et que du cœur de chaque homme disparaissent enfin ces mots : division, haine, guerre ! Seigneur, désarme les langues et les mains, renouvelle nos cœurs et nos esprits, afin que le mot qui nous unissent soient toujours le mot «frère», et que le style de nos vies devienne : shalom, paix, salam ! Amen.

Le président israélien, lui aussi, s’exprimant juste après le pape, a insisté sur l’idée de famille commune : «Deux peuples – Israéliens et Palestiniens – désirent encore ardemment la paix. Les larmes des mères pour leurs enfants sont encore gravées dans nos cœurs. Nous devons mettre un terme à ces cris, à la violence, aux conflits. Nous avons tous besoin de la paix. Paix entre frères égaux (…) Nous sommes tous égaux devant le Seigneur. Nous faisons tous partie de la famille humaine. Sans la paix, nous ne sommes pas complets et nous avons encore à réaliser la mission de l’humanité. (…) La paix ne vient pas facilement. Nous devons nous y consacrer avec toutes nos forces pour y parvenir. Pour y parvenir bientôt. Même si elle exige des sacrifices ou des compromis ».

 « Ô Seigneur, apporte une paix juste et globale dans notre pays et dans cette région – a ensuite demandé le président Mahmoud Abbas – afin que notre peuple, ainsi que les peuples du Moyen-Orient et du monde entier, puissent jouir du fruit de la paix, de la stabilité et de la coexistence. Nous voulons la paix pour nous et pour nos voisins. Nous recherchons la prospérité et la paix pour nous et pour les autres. Ô Seigneur, réponds à nos prières et couronne nos initiatives de succès, car tu es le plus juste, le plus miséricordieux, Seigneur de l’univers ».

Pour achever cette rencontre, le pape et ses invités ont symboliquement planté un olivier dans le jardin. La journée s’est terminée sur des entretiens privés.

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