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Cardinal Leonardo Sandri : Retour aux sources

Manuela Borraccino
26 mars 2014
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Interview du cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises Orientales. Le cardinal aborde différents thèmes : du conflit syrien au voyage du pape en Terre Sainte. Et quant à ​​la restitution du Cénacle à l'Eglise catholique, il n'exclut pas quelques surprises. Extraits.


Interview du cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises Orientales au Vatican. Argentin d’ascendance italienne, Sandri a été l’un des plus proches collaborateurs des papes Jean-Paul II et Benoît XVI. Dans cet entretien, réalisée par Manuela Borraccino pour la revue (en langue italienne) Terrasanta, le cardinal aborde différents thèmes : du conflit en Syrie à la visite du pape François en Terre Sainte. Et sur ​​la restitution du Cénacle à l’Eglise catholique, il n’exclut pas quelques surprises. Extraits.

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Que représente pour vous le privilège de pouvoir souvent vous rendre à la Terre Sainte ?

Bien qu’il s’agisse de voyages professionnels, je dois avouer qu’à chaque fois c’est un peu comme un retour aux sources. Comme il est dit dans le Psaume 87, à propos de la terre de Sion : «Toutes mes sources sont en toi ». Là, je reviens aux sources de ma foi, de ma rencontre avec Jésus. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours essayé de combiner à ces missions une dimension de pèlerinage, un parcours de purification à travers les lieux qui furent le cadre de la vie terrestre de Jésus. J’essaie autant que possible de m’identifier à la femme qui, souffrant d’hémorragies, fut guérie en frôlant simplement le vêtement de Jésus, ou à tous ceux qui, dans l’Évangile, ont essayé de toucher l’ombre du Seigneur. Je m’efforce de revenir à l’humanité du Christ, comme source de ma conversion, je viens me purifier au contact des lieux témoins de son parcours, de son regard, de sa voix.

De quels lieux vous sentez-vous le plus proche ?

Au-delà du Saint-Sépulcre qui constitue le cœur de notre foi, au-delà de Bethléem où l’humanité a reçu l’annonce de la paix, au-delà du Lac de Tibériade avec ses tempêtes, que l’Église subit à chaque époque, et affronte grâce à la présence apaisante de Jésus, au-delà de nombreux autres endroits, du Mont des Béatitudes à Capharnaüm, je crois que l’endroit le plus cher à mon cœur, c’est le Cénacle : c’est là que la Cène a eu lieu, c’est là que le Seigneur s’est donné dans l’Eucharistie dans laquelle vit l’Église, c’est là que le Seigneur s’est donné à nous dans le sacerdoce, c’est là que le Seigneur nous a montré le chemin de l’humilité et du service avec le lavement des pieds, comme me le rappelle une icône éthiopienne que je possède chez moi. Un signe pour nous, les prêtres, et pour toute l’Église. Et c’est au Cénacle qu’a eu lieu la Pentecôte : avec la puissance de l’Esprit qui se répand jusqu’aux extrémités de la terre, l’Église est née, accompagnée par Marie. Le Cénacle est un peu le symbole des aspirations des disciples du Christ, affermis par l’Esprit et par leur mission.

Justement, le Cénacle est au centre de plusieurs années de négociations pour sa restitution à l’Église (*). Pensez-vous qu’il soit possible d’espérer un geste envers le pape François ?

Je pense que les surprises ne sont pas à exclure, surtout par un peuple aussi sensible qu’Israël, en matière d’instances religieuses, un peuple qui comprend l’importance de ce site pour les chrétiens, et pour les catholiques en particulier. Ce serait formidable, non seulement parce que ce serait un acte unilatéral, un geste d’amour correspondant à la grande affection que le pape François porte au peuple juif, mais aussi parce que nous sommes tous issus de la foi d’Abraham.

Selon vous, la reprise des négociations de paix est-elle possible ?

Malgré tous les obstacles, le dialogue n’a cessé d’avancer. L’Église espère qu’ils continueront leurs efforts pour aboutir à une solution raisonnable, juste et harmonieuse, tant pour les intérêts et les aspirations des Israéliens que des Palestiniens. Elle en appelle au respect de la liberté religieuse, à la liberté de circulation pour tous, en demandant que la sécurité soit assurée pour chacun, et pas seulement pour les Israéliens. L’Église affirme que nous ne devons pas vivre dans la peur : tant de chrétiens ont été contraints de « réclamer » le respect, après les incidents de menaces et d’actes de vandalisme qui ont eu lieu au cours de ces dernières années. Je crois qu’il y a de la place pour une vraie réconciliation, avec cette grandeur d’âme qui surpasse les peurs et conduit à des solutions pour tous.

Que symbolise le voyage du pape à Amman et Jérusalem ?

À Amman, la rencontre du pape François avec les victimes de cette catastrophe humanitaire provoquée par la guerre en Syrie, après la tragédie en Irak, est très importante. L’Église montre qu’elle est du côté de ceux qui souffrent le plus, et cette rencontre est un appel au monde entier, pour une aide véritable à toutes ces personnes. Mais le voyage aura une signification fondamentalement œcuménique, à la suite d’une question qui nous concerne tous, et qui semble de plus en plus incompréhensible : pourquoi sommes-nous divisés ? Pourquoi, si nous croyons tous en Christ, nous donnons ce spectacle de division ? La rencontre du pape François avec le patriarche Bartholomée est un signe extrêmement fort, 50 ans tout juste après l’étreinte entre Paul VI et Athénagoras, au Saint-Sépulcre, l’endroit où les divisions entre les chrétiens sont les plus palpables. C’est justement là que François et Bartholomée s’embrasseront, pour renouveler cette promesse et ce désir d’unité, comme dans la prière de Jésus au Père : «Que tous soient un ».

Quels souvenirs gardez-vous de Jean-Paul II et de ses derniers mois ?

Je me souviens du pape au Gemelli, en particulier à la fin de sa deuxième hospitalisation. J’ai été impressionné par une courte conversation avec lui, après sa trachéotomie, on essayait alors de lui apprendre à parler différemment, et la plus grande souffrance pour le pape était de voir son impuissance à émettre le moindre son. Malgré la douleur, le pape a fait un effort gigantesque pour apprendre. Je lui ai demandé : «Votre Sainteté, que pouvons-nous faire pour vous ? ». Et il a dit, « me ramener chez moi ». Ce qui voulait dire : « Me lever et reprendre ma mission avec le Seigneur ». Je n’oublierai jamais la force de sa volonté en ces jours si douloureux : je vis clairement que cette force ne venait pas de lui, mais du Seigneur. La force de se dire à lui-même et à ses collègues : Je veux rentrer à la maison, recommencer à parler malgré la trachéotomie, reprendre mon travail, mon ministère et mon service.

( * ) – Note de l’éditeur : Après l’avoir légalement occupé pendant deux siècles, les Frères Mineurs de la Custodie de Terre Sainte furent expulsés du Cénacle, situé sur le mont Sion, en 1552. Jérusalem était alors sous domination ottomane. Depuis lors, ils n’ont jamais cessé de revendiquer la propriété au nom de l’Église catholique. La demande de restitution fait aujourd’hui partie des questions abordées dans les négociations entre le Saint-Siège et l’État d’Israël, dont le gouvernement a pris le contrôle du bâtiment en 1948. Aujourd’hui encore, le Custode de Terre Sainte conserve le titre de « Gardien du Mont Sion » en référence au premier siège de la Custodie : le couvent situé précisément dans le bâtiment du Cénacle.

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