Il reste les vers de ses poèmes pour émouvoir les âmes du peuple égyptien. Il reste ses paroles, mises en musique et chantées par le compositeur égyptien populaire Sheyk Imam pour réchauffer le cœur des pauvres et des marginalisés. Ahmed Fouad Negm est mort au Caire le 3 décembre, à l’âge 84 ans.
(Milan) – Il reste les vers de ses poèmes pour émouvoir les âmes du peuple égyptien. Il reste ses paroles, mises en musique et chantées par le compositeur égyptien populaire Sheyk Imam pour réchauffer le cœur des pauvres et des marginalisés. Il reste le souvenir du dernier poète de rue égyptien, de l’intellectuel et provocateur courageux qui avec ses poèmes a donné voix aux opprimés dans leur lutte contre la dictature et l’impérialisme. Ahmed Fouad Negm est décédé le 3 décembre au matin, à l’âge de 84 ans. Avec lui, l’Égypte perd non seulement un des plus grands poètes contemporains du monde arabe, mais aussi une partie de son histoire littéraire, politique et sociale.
Le peuple égyptien pleure son poète, né en 1928 dans une famille de classe moyenne, dans la ville de Sharkiya. Il grandit dans un milieu pauvre et paysan, sans avoir la possibilité de terminer ses études. Ahmed Fouad Negm, pour les Égyptiens Al-Fagoumi, est l’intellectuel qui a vécu dans sa propre chair les dures expériences de l’orphelinat et de la prison. Il est le poète qui a mis au centre de son œuvre la lutte des opprimés contre les dictateurs. Ambassadeur des pauvres, titre que lui ont également reconnu les Nations Unies en 2007, Negm a passé plus de 18 années de sa vie enfermé en prison (à cause de ses critiques sévères contre les présidents égyptiens, de Gamal Abdel Nasser à Hosni Moubarak).
L’un des principaux mérites de Negm est d’avoir relancé la tradition du zajal littéraire, la poésie dialectale en strophes. Née en opposition à l’hégémonie de la culture littéraire nationale en arabe standard, il a transformée le zajal en un instrument de lutte dans lequel plusieurs instances du mouvement syndical et étudiant ont trouvé leur expression.
Après la défaite arabe dans la guerre des Six Jours, en 1967, Negm est devenu célèbre avec la publication de ses vers sur la défaite. Il le deviendra encore plus durant la décennie 70, à travers les chansons de son ami compositeur Imam Sheyk (1918-1995) qui a mis en musique ses poèmes, parmi lesquels nous citons Qui sommes-nous et qui sont-ils, Bonjour roses fleuries dans les jardins d’Égypte, et Je suis le peuple. Des textes militants, dans lesquels la classe populaire de tout le monde arabe s’est identifiée.
«Je suis le peuple. Ma main transforme la vie
rend vert les déserts, renverse tyrans
élève la vérité, les drapeaux sur les fusils
mon histoire devient mon compagnon et le phare
Je suis le peuple, je marche, et je connais mon chemin ».
(De Je suis du peuple, Ahmed Fouad Negm)
Entre 2006 et 2011, Negm, alors octogénaire, a intensifié ses vers, explicitement dirigés contre le président Hosni Moubarak. Beaucoup de ses poèmes ont été lus sur certaines chaînes de télévision privées, et téléchargées sur YouTube, animant les esprits de centaines de milliers de militants égyptiens qui, en janvier 2011, ont participé aux manifestations contre le régime.
Et c’est avec le déclenchement de la révolution égyptienne et la diffusion de nouvelles formes d’activisme politique dans la société égyptienne, que le genre littéraire du zajal et, en particulier la poésie de Negm, ont bénéficié d’une nouvelle floraison. Dans les rues surpeuplées des grandes villes égyptiennes, lors des manifestations, les révolutionnaires de la place Tahrir ont scandé et répété les vers de Negm pour commémorer les martyrs tués par Moubarak, décrits comme « la floraison des roses dans les jardins d’Égypte ».
Malgré sa célébrité, le poète, jusqu’au moment de sa mort, a vécu dans une petite et humble maison de Boulaq, un quartier pauvre du Caire. Un autre geste de son attachement aux idées révolutionnaires parmi les pauvres et les marginalisés.