Le père Claudio Monge, supérieur de la communauté des Dominicains d’Istanbul, en Turquie, a été invité à Turin à l’université du dialogue promue par le Sermig. Rien n’est plus nécessaire que le dialogue au Moyen-Orient, explique le religieux. Avec une mise en garde : « Il n’y a pas de dialogue entre les systèmes ; il s’agit toujours de rencontres entre les individus, entre des visages et des vies précises».
(Turin) – «Aujourd’hui, le dialogue au Moyen-Orient est une urgence : il est nécessaire pour ne pas sombrer dans l’homo homini lupus », une occasion pour éviter de s’entretuer. C’est ce qu’a déclaré le père Claudio Monge, supérieur de la communauté des Dominicains d’Istanbul, en Turquie, le 4 octobre dernier, en présentant à Turin son dernier livre, Étrangers avec Dieu, L’hospitalité dans les traditions des trois religions monothéistes abrahamiques (Ed. Terra Santa, 2013). La soirée a présenté un cycle de rencontres que le Sermig, Arsenal de la Paix à Turin, organisa dans le cadre de l’université du dialogue, en activité depuis près de dix ans.
Le père Claudio Monge a commencé à raconter l’histoire de son rapport à la culture orientale, lorsqu’en 1997 il arriva «désarmé, dans un pays où l’Église n’était pas (et n’est pas), juridiquement reconnue, sans connaître la langue, sans avoir de mots pour communiquer ». Pourtant, c’est cette épreuve qui lui fit comprendre immédiatement que «pour dialoguer la priorité n’est pas d’avoir les mots, mais de découvrir le visage de l’autre, reconnaître sa diversité, aussi radicale soit-elle, et s’acheminer dans un long itinéraire d’étude de la culture et de la mentalité du nouveau peuple ». Le père Claudio raconta au public du Sermig quelques-unes de ses premières rencontres à Istanbul, où il a connu l’hospitalité qui perturbe le rythme du temps, amène à ne pas être à la hâte, pour laisser courir des silences, des regards, des mots…
Lorsqu’on lui a demandé combien de chrétiens aujourd’hui vivaient en Turquie et comment se déroule le dialogue islamo-chrétien, le père Monge a démystifié la terminologie occidentale : «Il n’y a pas de dialogue islamo-chrétien, parce qu’il n’y a pas de dialogue entre les systèmes, mais entre les individus, entre des visages et des vies qui se rencontrent. Et peu importe le nombre, le fait est que les chrétiens ne représentent que 0,1% de la population ». Il ajoute : «Nous devons surmonter la logique des systèmes, qui répond à une stratégie politique internationale qui raisonne pour des systèmes opposés ».
La voix calme du père Monge s’est échauffée avec passion : « En tant que croyants nous répondons à une autre logique, qui semble ne pas avoir de sens, car elle parle du pardon et montre un Dieu qui élargit aujourd’hui plus encore les bras sur la croix pour restaurer cette humanité divisée ». Le jour où l’on commémorait la tragédie de Lampedusa (la mort tragique de plus de 300 migrants qui se sont noyés au large de l’île sicilienne, le 3 octobre – ndlr), parler de dialogue sonnait comme une voie sans alternative : «une situation d’urgence – a dit le père dominicain – pour ne pas sombrer dans l’homo homini lupus, et donc une opportunité ». Aujourd’hui, le dialogue au Moyen-Orient entre les croyants est entravé à la fois par l’attitude des pays développés («l’Occident hautain », comme l’appelle le père Claudio ), mais aussi par la fermeture des communautés chrétiennes locales » qui « risquent de rester fermées sur le tombeau du Christ et de ne pas en voir la Résurrection, là où aujourd’hui elles se retranchent dans la mémoire, enchaînées par l’histoire, et ne sont pas en mesure de célébrer le mémorial du sacrifice de Jésus, qui est le don de soi». Que peuvent faire les chrétiens occidentaux pour encourager le dialogue avec les religions d’Orient ? Le père Monge, en plus d’inviter à la rencontre personnelle, dans le respect mutuel, avec des croyants d’autres religions, a encouragé le tourisme responsable, « se déchausser, aller écouter et découvrir l’autre sur la pointe des pieds ».
Particulièrement approprié, l’exemple d’Abraham : l’homme hospitalier par excellence, « assis à la porte de la tente, plié de douleur, mais prêt à rencontrer l’autre qui s’approche …». Une rencontre paradigmatique parce que «Abraham ne conduit pas l’invité dans sa tente, il le rencontre dans un endroit neutre, désarmé, où son histoire rencontre celle de l’autre, sous les chênes de Mamré ».
De là, il nous invite à nous faire tous « étrangers avec Dieu », en nous considérant exilés sur cette terre, et ouverts à la logique de la gratuité.