La cour suprême israélienne a tranché : après bien des atermoiements et reports, les élections pour le Grand Rabbinat se dérouleront entre le 26 juin et le 24 juillet au plus tard. La pré-campagne s’est déroulée dans un esprit délétère. Le grand rabbinat est pourtant uns institution clé dans un État qui se qualifie de juif. Une nouvelle coalition a donc vu le jour qui prétend redynamiser une institution aujourd’hui en perte de vitesse.
(Jérusalem) – Tous les dix ans ont lieu les élections des deux Grands Rabbins d’Israël. Des élections qui ne se déroulent jamais sans tension mais généralement de façon assez feutrée. Cette année, alors que le grand Rabbin ashkénaze sortant, Yona Metzger, s’est vu assigner à résidence pendant cinq jours soupçonné d’avoir perçu des pots-de-vin, les prétendants au poste se déchirent sur la vocation même de l’institution. Gabriel Abensour revient pour Terresainte.net sur les enjeux de cette élection.
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Fondé en 1921 par le Rabbin Abraham Kook, le rabbinat israélien est reconnu par la loi civile comme étant l’autorité religieuse suprême de l’État d’Israël. Cela signifie entre autre qu’il détient le monopole absolu sur les mariages, divorces et conversions du pays.
Les Grands Rabbins d’Israël, l’un séfarade et l’autre ashkénaze, ont donc une influence décisive sur le caractère juif de l’État ainsi que sur une multitude d’organisations et d’emplois. Dès lors, on comprend l’enjeu à la fois religieux et politique des prochaines élections.
Depuis dix ans, les tensions entre religieux et laïcs sont en permanente augmentation et de nombreuses voix s’élèvent pour appeler à la séparation de l’État et de la Synagogue, alors qu’en parallèle, le rabbinat s’affaiblit de plus en plus. Ces dernières années, il a été incapable de gérer convenablement les grandes crises religieuses, comme l’affaire des conversions annulées de 2008 ou encore l’augmentation du nombre de femmes auxquelles le mari refuse le divorce religieux, les empêchant ainsi de se marier à nouveau.
L’orthodoxie modérée et le monde laïc s’unissent donc dans un dernier effort autour de la figure de David Stav, un charismatique rabbin d’à peine cinquante-trois ans, promettant une reforme de fond pour assouplir et dynamiser cette vieille institution. L’actuel gouvernement israélien semble jouer en sa faveur, puisque pour la première fois depuis des années, il n’est constitué d’aucun membre ultra-orthodoxe. Cependant, l’ultra-orthodoxie n’est pas prête à rendre les clés d’un poste qu’elle détient depuis dix ans et tous les moyens sont bons pour faire échouer l’élection de Stav.
Bien que l’élection de David Stav semble probable, il est à parier qu’il n’arrivera pas à mener à terme ses réformes. Des décennies d’intrigues politiques et un corps rabbinique déjà en place semblent miner les espoirs de changement. De plus, alors que la société laïque israélienne ne se préoccupait guère du domaine religieux, on assiste à une renaissance juive laïque dans les rues de Tel-Aviv. Des jeunes israéliens se réapproprient les textes anciens et s’élèvent d’autant plus contre le monopole orthodoxe du rabbinat. Le paradoxe est clair : alors que l’identité juive travaille de plus en plus d’israéliens, l’institution censée représenter le judaïsme devient le symbole de l’immobilisme et de la coercition religieuse.
Conscients de l’opportunité qui se présente à eux, les mouvements juifs non-orthodoxes augmentent leurs revendications et n’hésitent pas à faire intervenir la cour suprême israélienne pour défendre leur cause. En Mai 2012, l’État acceptait pour la première fois depuis sa fondation, de financer les instituts non-orthodoxes et leurs rabbins, mettant ainsi un terme au monopole orthodoxe. Au sein de l’orthodoxie moderne, les critiques fusent également et certains pensent déjà aux modèles alternatifs, qui remplaceraient le rabbinat, en temps voulu.
Une association orthodoxe moderne, « Néémanei Torah Véavoda », lutte d’ailleurs pour promouvoir un nouveau modèle mettant fin au statu quo de 1947 sur les affaires religieuses. Cette association voudrait démocratiser la religion, en supprimant le monopole du rabbinat pour le remplacer par un modèle « communautaire ». Chaque israélien serait invité à rejoindre une communauté religieuse de son choix, orthodoxe ou non, juive ou non-juive, et ces communautés recevraient un financement proportionnel à leur nombre d’adhérents. Ce modèle pourrait bien révolutionner les rapports entre religion et état s’il est adopté et donnerait une face radicalement nouvelle au judaïsme israélien.