Plusieurs milliers de personnes se sont rendues aux funérailles du Patriatche Aboune Paulos, chef de l'Église orthodoxe éthiopienne, décédé à l'âge de 76 ans, le 16 août dernier. Durant les 20 années de son service comme patriarche, il a essayé d'ouvrir la plus pauvre des Églises à l'oecuménisme et au dialogue avec les autres Églises.
(Milan/e.p.-g.c.) – Plusieurs milliers de personnes ont assisté, le 23 août, aux funérailles du patriarche Abune Paulos, personnalité influente et ancien chef de l’Eglise orthodoxe d’Ethiopie, décédé le 16 août à l’âge de 76 ans.
À l’issue des obsèques à Addis Abeba, un grand nombre de fidèles allèrent se recueillir au Palais national devant la dépouille du Premier ministre Meles Zenawi.
D’après les déclarations officielles, Meles, qui était âgé de 57 ans, est mort d’une infection, dans un hôpital belge, quatre jours seulement après le patriarche. Il était au pouvoir en Ethiopie depuis le début des années 1990 et était devenu chef d’Etat et chef de gouvernement en 1995. Ses funérailles ont eu lieu le 2 septembre.
La cause du décès du Patriarche Paulos demeure incertaine : certains affirment qu’il est mort d’une crise cardiaque, d’autres déclarent qu’il était en bonne santé et avait même célébré un office religieux la veille. On sait en tout cas qu’il souffrait d’hypertension et de diabète.
La BBC rapporte que des prêtres, vêtus d’amples robes dorées et portant des bâtons pastoraux, se sont rassemblés à l’intérieur de la cathédrale de la Sainte Trinité, où le patriarche a été enseveli. Pendant ce temps, des chœurs venus de tout le pays chantaient et dansaient auprès du cercueil, en présence d’importantes forces de sécurité, déployées pour l’occasion tout autour de l’église.
Zenawi et Paulos furent respectivement à la tête de l’Etat et de l’Eglise d’Ethiopie pendant la même période, avant de disparaître presque simultanément. Divers témoignages indiquaient que la nouvelle du décès des deux leaders avait donné lieu à des scènes émouvantes au sein de la population.
Originaire d’Adoua, dans la province du Tigré, au nord du pays, le patriarche Paulos avait étudié aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Emprisonné par le régime militaire marxiste de Mengistu Haile Miriam, il avait été libéré en 1983. Il fut ordonné évêque en 1986 avant d’être élu patriarche en 1992.
Durant les vingt années de son mandat de patriarche, il s’efforça d’ouvrir l’une des communautés les plus pauvres de l’Eglise à l’œcuménisme et au dialogue avec les autres Eglises chrétiennes. Il participa également à des rassemblements interreligieux et avait récemment visité Jérusalem et la Terre Sainte, avec laquelle l’Ethiopie chrétienne entretient des liens particuliers (la famille royale éthiopienne se réclamant de la descendance du roi Salomon).
À la nouvelle du décès du patriarche Paulos, Benoît XVI a fait part de ses condoléances, évoquant les visites du patriarche au Vatican et en particulier les « observations importantes » formulées par celui-ci lors du Synode pour les évêques d’Afrique en 2009. « Je lui suis reconnaissant, a-t-il ajouté, de son engagement ferme pour la promotion, à travers le dialogue et la coopération, d’une plus grande unité entre l’Eglise orthodoxe éthiopienne Tewahedo et l’Eglise catholique. »
En 2005, au cours d’un entretien avec Giuseppe Caffulli (rédacteur en chef du Terrasanta.net), le patriarche avait expliqué qu’après une longue période de souffrance, les différentes dénominations chrétiennes d’Ethiopie étaient entrées dans une « période de paix substantielle ». Le gouvernement s’était engagé à cette époque sur le chemin de la démocratie et cette démarche « se reflétait positivement dans les relations avec l’Eglise » avait-il déclaré.
« Sous le régime communiste (1977-1991), la population a souffert de restrictions diverses et notamment de l’interdiction de participer à la vie de l’Eglise » se souvenait-il. « Mais nous assistons aujourd’hui à un regain d’intérêt pour la participation aux célébrations religieuses, en particulier chez les jeunes. »
Le patriarche, qui était le chef spirituel d’un grand nombre des chrétiens d’Ethiopie (qui représentent à peu près à la moitié de la population du pays), se montrait également confiant quant aux relations avec les Musulmans. « La communauté musulmane est présente dans le pays depuis très longtemps, observait-il. L’attitude générale de l’Eglise orthodoxe à l’égard des autres religions a toujours été basée sur la tolérance. Les rois d’Ethiopie eux-mêmes se sont toujours montrés bienveillants envers les Musulmans. La situation de l’islam dans le pays est aujourd’hui différente de ce qu’elle était mais l’évolution du contexte n’a pas eu de répercussions sur ce point.
« J’ai vu une grande mosquée à Rome, il existe de nombreuses mosquées en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France, où l’islam est désormais la seconde religion, poursuivait-il. L’islam a changé, il se propage partout et revendique de nouveaux espaces, mais ce phénomène d’expansion est légitime. Le monde nous appartient à tous. Mais c’est précisément parce qu’il nous appartient à tous, que nous devons nous efforcer de vivre ensemble. J’espère que les organisations internationales et les Nations Unies saisiront les occasions de proposer des politiques favorisant l’inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté, capables d’éliminer le terreau du fondamentalisme et d’offrir à tous de véritables opportunités d’avenir, afin qu’ensemble, nous puissions construire une coexistence pacifique. »
Le patriarche Paulos, dont le successeur n’est pas encore connu, a contribué à rétablir les relations entre les Eglises éthiopienne et copte à l’époque du défunt pape Shenouda II d’Egypte. Son alliance avec Meles fut en revanche vivement critiquée comme étant trop étroite. Les détracteurs de Meles accusaient ce dernier d’être à la tête d’un régime autoritaire et de recourir à l’emprisonnement et à la torture contre ses opposants, tandis que ses partisans saluaient en lui un apôtre de la paix et du développement.
Le patriarche essayait pour sa part de se rendre plus proche du peuple, créant même une page Facebook qu’il mettait régulièrement à jour. De nombreux Ethiopiens témoignent aujourd’hui de la grande affection qu’ils avaient pour lui. Son successeur aura bien des défis à relever.