Pour la quatrième année consécutive, la Vieille Ville de Jérusalem est illuminée de mille couleurs à l'occasion du festival de la Lumière. Si certains contestent la main mise de la municipalité israélienne sur la Vieille Ville "occupée", les 250000 visteurs attendus veulent principalement se laisser éblouir.
(Jérusalem / mab) Le 4e festival des lumières de Jérusalem a allumé ses feux le 6 juin dernier. Après une ouverture timide, il a battu son plein les jours suivant attirant chaque soir des milliers de visiteurs dans les quartiers dits « chrétiens, arméniens et juifs » de la Vieille Ville de Jérusalem.
« Comment ? Tu es allée voir cette manifestation organisée par la municipalité occupante ? » Fadi ne décolère pas. Lui, le festival il boycotte. Comme il boycotte tout ce qui manifeste la volonté israélienne de montrer sa souveraineté de facto sur la ville.
Parmi les milliers de visiteurs, de nombreux musulmans ont pourtant fait le déplacement. Samia elle, veut « pour une fois » mettre les polémiques de côté. « D’accord, Jérusalem doit devenir notre capitale, en attendant, Jérusalem le soir, côté Est, c’est mort dès la nuit tombée. Il n’y a que quelques vieillards pour aller dans des cafés miteux jouer au Sheesh beesh, (le backgammon, un jeu de table dont le trictrac français est un ancêtre). Au moins là, on peut sortir, se promener en famille et admirer. » Et les habitants arabes de Jérusalem sont nombreux à avoir le même raisonnement de profiter juste de l’attraction. Pas un d’entre eux ne se presse aux spectacles payants, mais ils se promènent volontiers le long des murailles et jusque dans le quartier chrétien et au Muristan. Au-delà, dans le quartier juif la présence arabe se fait plus discrète, comme d’ailleurs la présence juive dans le quartier chrétien, au Muristan et même devant la porte de Damas.
« Tu as vu Bab el Hamoud ?(la porte de Damas). Les juifs projettent un pin ball (un flipper). C’est un signe de respect ça ? » Fadi n’a pas de mot pour dire combien il est contre. Certes, un jeu de flipper sur la porte de Damas, on pouvait trouver mieux mais de là à y voir une parabole du traitement réservé aux Palestiniens qu’on lance ça et là comme un balle de flipper pour se divertir…. Il est tout de même peu probable que les créateurs espagnols de l’animation y aient pensé.
Les petits français du groupe Laps qui font jouer du foot à des personnages de néon, sont heureux d’être là comme ils l’étaient auparavant à Lyon ou à Singapour. La cathédrale de verre et de lumière qu’ont crée des artistes d’Estonie et qui a été installée en contrebas du couvent franciscain Saint Sauveur ne désemplit pas. « C’est une cathédrale sans religion » explique un de ses concepteurs qui manifestement veut désamorcer d’autres polémiques, juives celles-là.
Fadi l’a vue, il ne commente pas, il préfère rumine sa colère. Il dit n’avoir vu les animations qu’en passant car c’est « sa » ville. D’autres ont résolument fuit les abords pour ne pas cautionner le moins du monde.
Reste que la municipalité attend 250000 visiteurs sur la semaine que dure le festival dont les feux s’allument de 20 heures à minuit tous les soirs sauf shabbat. A mesure que l’on approche de la porte de Jaffa, les populations sont plus mélangées. On parle toutes les langues. Il fait 25 degrés à 22 heures et la balade à la fraîche fait du bien à tout le monde.
Sur les différents circuits de promenade offerts, des vendeurs à la sauvette palestiniens essaient de profiter de la fête pour se faire quelques sous. Les affaires, c’est les affaires.
Dans la rue Saint George qui descend en tournoyant en direction du Saint Sépulcre, les passants regardent le nez en l’air des dessins de scènes de cirques projeté sur les murs, tandis que dans la pénombre de la ruelle de artistes de rues jonglent sur les airs de violon diffusés par des hauts parleurs. Silencieux d’admiration ou commentant à voix basse, les visiteurs déambulent attentifs aux détails. En les regardants passer dans leur diversité il apparaît quelques soirs durant, toute polémique bue, la nuit tous les Jérusalémites sont gris.