Après les années sombres, l’art et la culture sont bel et bien de retour à Raqa. Arts plastiques, sculptures, peintures, livres : un nouveau centre culturel présentant des œuvres d’art locales et régionales, mais qui programmera aussi des pièces de théâtre et des spectacles de poésie, de danse folklorique ou de musique, a ouvert ses portes comme le rapporte SDF Press, le site des Forces démocratiques syriennes (une alliance de combattants arabes et kurdes anti-djihadiste), le 29 avril 2019, au sud de la place al-Sa’sa à Raqa au nord de la Syrie.
Plus d’un an après la fuite de l’Etat islamique, c’est une première. Avant 2014, fait savoir l’AFP, la ville abritait une vingtaine d’institutions culturelles – toutes détruites – dont une bibliothèque de 60 000 ouvrages. Mais les djihadistes ont obligé toutes ces structures à fermer les unes après les autres.
Inauguré par le ministère de la culture et des arts du nord et de l’est de la Syrie et par tous les comités du Conseil civil de la ville (entité responsable de toutes les affaires administratives de la municipalité), le nouveau « centre de la culture et des arts », qui a été ouvert dans les murs d’un ancien centre dévasté pendant la guerre, marque un vrai tournant pour Raqa qui a été trois ans durant la capitale officieuse syrienne de l’organisation djihadiste Etat islamique à partir de janvier 2014 jusqu’à ce que les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par la coalition internationale menée par les Etats-Unis, ne reprennent son contrôle en octobre 2017, après quatre mois de combats.
Selon l’Onu, Raqa comptait 300 000 habitants – dont 80 000 déplacés ayant fui d’autres régions de Syrie – au moment de sa prise de contrôle par l’Etat islamique en 2014. Lorsque la bataille de Raqa débute en juin 2017, le nombre des civils à l’intérieur de la ville est alors estimé à 160 000 par l’Onu. La ville a alors été détruite à près de 80 % lors de cette offensive.
« Comme un oiseau qui vole dans un ciel de printemps »
Pendant leur occupation, les djihadistes, ont censuré la pensée artistique et intellectuelle en interdisant notamment de nombreuses formes d’expressions artistiques, telles que la peinture et la musique, avec à la clé des punitions sévères pour les transgresseurs. « Si on faisait quoi que ce soit, ils nous décapitaient ou nous donnaient des coups de fouet », confie à l’AFP Malak al-Yatim, un musicien de 60 ans qui a vu ses instruments brisés et qui fut interdit de chanter pendant trois ans. Aujourd’hui, « je me sens, dit-il, comme un oiseau qui vole dans un ciel de printemps. »
La bibliothèque du nouveau centre accueille des centaines de livres. « Les livres que vous voyez là, on les a sortis des décombres », raconte à l’AFP, Ziad al-Hamad, directeur du centre et co-président de la commission « culture et antiquités » de Raqa. « A l’époque de l’EI, des habitants avaient préservé d’une manière ou d’une autre les livres des centres culturels », ajoute le responsable. « Quand la ville a été libérée, ils nous les ont ramenés », confie-t-il.
Le centre qui contient donc une nouvelle bibliothèque accueille également un atelier, une galerie d’exposition et une scène. Il servira de principal centre artistique permettant aux musiciens, peintres, danseurs et auteurs de développer et montrer à nouveau leurs talents et créativité. Par ailleurs, « le Centre intègrera une diversité de cultures dans ses activités, évoquant la présence des Kurdes et des Arabes », a précisé l’agence North presse Agency – Syria.
La coprésidente du nouveau centre, Amal Attar, citée par SDF Press, a quant à elle insisté sur le fait que « ce centre sera une plate-forme pour la culture et le lien entre les jeunes qui ont été privés de culture pendant longtemps. »
La cérémonie d’ouverture du nouveau centre culturel qui comprenait une pièce de théâtre, du chant folklorique et un film sur les étapes avant l’ouverture du centre,a débuté par une minute de silence à la mémoire des morts. On se souvient qu’en janvier 2019, un charnier a été découvert dans la banlieue agricole d’al-Foukheikha, juste à l’extérieur de Raqa. Il renfermerait jusqu’à 3 500 corps. Huit autres fosses avaient alors été exhumées autour de la ville et contenaient 900 corps. C’est là aussi que le 28 juillet 2013, le père jésuite Paolo Dall’Oglio, venu dans la ville effectuer une médiation avec l’EI a été enlevé par les djihadistes.
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