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Eglises catholiques : l’égalité comme condition de la paix

Christophe Lafontaine
22 mai 2019
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La colombe de la paix de Picasso formée par une chaîne humaine d’élèves palestiniens à Jéricho en 2011 © Issam Rimawi / Flash 90

L'Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte a résumé le 20 mai, sa vision sur Jérusalem et la Terre Sainte. Promouvant une « égalité totale » entre tous les habitants, prélude « à une paix juste et durable ».


« Egalité, j’écris ton nom ». Pour dessiner la paix. C’est ce qu’aurait pu écrire l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS), en s’inspirant du poète français Paul Eluard. « Israéliens et Palestiniens sont des frères et sœurs dans l’humanité », signent ainsi dans un communiqué daté de lundi dernier, les évêques et vicaires épiscopaux catholiques de rites latin et orientaux en Terre Sainte. Avec comme point de départ ce postulat de fraternité mais aussi le constat de l’échec de la résolution du conflit israélo-palestinien. Considérant que la proposition d’une solution à deux Etats (l’un israélien, l’autre palestinien) « n’a pas abouti et est répétée sans succès. »

Pourtant, s’interrogent les membres de l’AOCTS, « nous avons vécu ensemble sur cette terre dans le passé, pourquoi ne devrions-nous pas vivre ensemble aussi à l’avenir ? » Mais au regard de ces dernières décennies, les Ordinaires catholiques de Terre Sainte, voient que les promesses non tenues de paix et de réconciliation ont suscité « plus de de haine et d’oppression, de corruption et de démagogie. » Et selon eux, « il est temps » de promouvoir « une autre voie ». Explicitement : « nous avons besoin d’une nouvelle orientation, d’une nouvelle éducation et d’une nouvelle vision pour cette terre et les deux peuples qui y vivent. » Et son nom est égalité. « Tous les habitants de cette Terre Sainte, disent-ils, ont une égalité totale, celle qui convient à tous les hommes et toutes les femmes, créés égaux à l’image et à la ressemblance de Dieu. »

Appel

C’est pourquoi les chefs des Eglises catholiques de Terre Sainte veulent insister sur le fait que les habitants de Jérusalem et de tout le pays « appelé, soulignent-ils, Israël et Palestine, entre Jourdain et mer Méditerranée », peuvent « vivre ensemble dans le respect mutuel et l’égalité, égaux en droits et en devoirs. » Cette égalité est pour eux « une condition fondamentale pour une paix juste et durable. » Une telle paix, disent-ils, « nous sauvera, nous permettra de survivre et même de prospérer sur cette terre. »

Et les chefs religieux d’affirmer leur proximité auprès « de tous ceux qui vivent dans le pays. » En leur affirmant essayer « de montrer le moyen de sortir d’une situation permanente de guerre, de haine et de mort. » C’est dans ce cadre que les membres de l’AOCTS appellent « les chrétiens d’Israël-Palestine à joindre leurs voix aux juifs, aux musulmans, aux druzes et à tous les autres, qui partagent cette vision d’une société fondée sur l’égalité et le bien commun et les invitent tous à construire des ponts de respect et d’amour mutuels. »

Une diplomatie sujette à caution

Pour les Ordinaires, le constat sur le plan politique reste amer : « toute discussion sur une solution politique semble être une rhétorique vide dans la situation actuelle. » La déclaration des 24 membres de l’AOCTS en est même venue à relayer les doutes que beaucoup se posent sur le rôle de la diplomatie internationale et du processus de paix, se demandant si ces deux entreprises sont « réellement fondées sur la justice et la bonne volonté. » En amont, les Ordinaires ont déploré que « même ceux qui se sont présentés autrefois comme les gardiens de la démocratie et les promoteurs de la paix sont devenus des influenceurs et des acteurs partisans du conflit. » Il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour y voir une dénonciation du rôle de l’administration américaine. En un an et demi, le président américain Donald Trump a déclaré – de manière unilatérale et rompant avec des décennies de diplomatie américaine – Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël le 6 décembre 2017, puis déménagé l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem le 14 mai 2018, et enfin reconnu le 25 mars dernier la souveraineté d’Israël sur la majeure partie du Golan, ce plateau syrien occupé et administré par Israël depuis la guerre des Six Jours en 1967 puis annexé unilatéralement en 1981.

La déclaration de l’AOCTS intervient alors que Jared Kushner, conseiller et gendre de Donald Trump, a annoncé qu’il présenterait le très attendu plan de paix américain pour le Proche-Orient après le ramadan (qui se termine le 6 juin) et la formation du nouveau gouvernement israélien. Jared Kushner « a déclaré que le plan nécessiterait des concessions des deux côtés (ndlr : israélien et palestinien) mais ne mettrait pas la sécurité d’Israël en péril. Cela nécessite que tout le monde l’aborde avec une certaine ouverture d’esprit », selon une source informée à Washington qu’a relayée Reuters. Est-ce qu’ouverture d’esprit rimera avec égalité ? Il est permis d’en douter.

Les conséquences de l’absence de paix

Face à l’absence de paix, le bilan de l’AOCTS sur ces dernières années ne s’arrête cependant pas au niveau diplomatique mais à ses conséquences. « Les récents développements dans le conflit israélo-palestinien, les pertes incessantes en vies humaines, l’évaporation continue d’une solution durable et l’incapacité de la communauté internationale d’insister sur l’application du droit international afin de préserver les peuples de ce pays de nouvelles luttes et le désespoir, ont atteint un point où nous assistons à plus d’extrémisme et de discrimination », se lamentent-ils. Et de poursuivre : « Beaucoup en Palestine et en Israël estiment que depuis le lancement du processus de paix, leur vie est devenue de plus en plus insupportable. Beaucoup sont partis, beaucoup envisagent de partir et certains ont recours à la violence. Certains meurent tranquillement et d’autres perdent foi et espoir. »

Cheval de bataille

Ce n’est pas la première fois que les Eglises catholiques en Terre Sainte font du thème de l’égalité leur cheval de bataille. Dernière preuve en date, leur communiqué du 31 octobre 2018 où elles demandaient le retrait de la loi controversée adoptée le 19 juillet 2018 par le Parlement israélien, définissant Israël comme l’Etat-nation du seul peuple juif. La loi étant accusée de marginaliser les non-juifs bien que 1,8 des 9 millions d’habitants en Israël, soit 20%, sont des Arabes. Les membres de l’AOCTS avaient alors vigoureusement critiqué le texte qui en tant que loi fondamentale constitue « une base constitutionnelle et légale à la discrimination entre citoyens israéliens ». De plus, la loi ne reconnait le droit à l’autodétermination (ou droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) qu’aux juifs et promulgue « le développement de la colonisation juive en tant que valeur nationale » avaient-ils souligné. De même Jérusalem est définie exclusivement comme la capitale d’Israël « capitale complète et unie », incluant la partie orientale de la ville sainte annexée.

Texte intégral du communiqué en cliquant ici

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